Le mot de la fondatrice

Le mot de la fondatrice, Isabelle CELESTIN-LHOPITEAU


COMMENT FONCTIONNE L'IFPPC ?

J’ai choisi de constituer un groupe de réflexion, de recherche et d’expérimentation sur le modèle d’un laboratoire d’idées (ou Think Tank).

J’ai donc proposé aux spécialistes des pratiques psychocorporelles qui constituent aujourd’hui le comité scientifique de l’IFPPC, mais aussi au groupe des formateurs et des thérapeutes, à des patients souhaitant s’impliquer ainsi qu’à des intervenants ponctuels de réunir nos réflexions et d’échanger.

Nous avons appliqué cette méthodologie dans nos échanges au centre, sur internet ou à l’occasion de nos voyages d’études à la découverte d’autres pratiques de soins, lors de staff d’équipes hospitalières auxquels nous pouvons être conviés, dans les conférences mensuelles de l’IFPPC, dans les colloques ou les divers projets autour de la santé intégrative que nous avons menés.

L’objectif de cette méthodologie particulière est de générer des idées innovantes tant sur le plan de la recherche, que sur l’application clinique auprès des patients dans notre centre ou dans les hôpitaux.

Elle permet de s’inscrire dans un cercle vertueux d’amélioration continue (dans une perspective de spirale ascendante) permettant aussi de développer les liens et les connections entre les différents praticiens spécialistes dans ces domaines.

Sur le principe, les phases sont :

1) Réflexion, échanges, découvertes à partir de la clinique auprès des patients et de la recherche.
2) Mise en pratique clinique, adaptation et sélection des meilleurs pratiques.
3) Formation à ces pratiques, suivi des praticiens par des séances de supervisions
4) Retour d’expériences des praticiens et des patients
5) Puis de nouveau réflexion, échanges, recherche …

La méthode de travail et de pensée qui prévalent à chaque nouvelle forme de pratiques psychocorporelles ou de médecine complémentaire est qu’il faut passer par une immersion, vivre l’expérience, accepter de ne pas comprendre, s’apercevoir qu’au tout début nous plaquons notre façon habituelle de penser les choses, jusqu’à ce que nous acceptions de les vivre ou de lâcher, de sacrifier un point de vue pour observer différemment. Quitte à le réadopter ensuite s’il s’avère plus pertinent.

Notre méthodologie consiste à accepter de se laisser dérouter, de se laisser aller au risque, au doute, à la perplexité, et par là même à l’ouverture et au changement de perspective.

Cette surprise, cet étonnement, obligent un questionnement sur nos propres croyances, nous permettent de nous confronter et donc de nous interroger sur nos représentations du soin, de la maladie de la santé d’en être en permanence les artisans : Cela amène à repenser les représentations de la maladie, de la santé, du soin, d’être en permanence dans ce mouvement de déconstruction et de reconstruction pour rencontrer le patient.

Il ne s’agit pas de constituer une pratique faite d’un patchwork, ou une nouvelle technique ou encore pire, un nouveau dogme. Nos certitudes sont interrogées en permanence. Cela nous apparaît maintenant comme le plus important.

Alors quelle a été la dynamique de cette méthodologie pour penser le soin et intégrer ces connections de par le monde ?

• Plus de 20 ans d’expériences développées à partir de mon expérience de psychologue et psychothérapeute dans des centres de traitements de la douleur auprès d’enfants et d’adultes.
• Ma rencontre avec l’hypnose, pratique hautement intégrative.
• Un travail anthropologique sur le soin dans différentes cultures qui m’a permis d’explorer des médecines traditionnelles qui sont en elles-mêmes des approches intégratives.
• La volonté de réunir des praticiens de par le monde, et ainsi a été établi le laboratoire d’idées, puis est né l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs, et notre comité scientifique international.
• La création de différents DIU et DU à l’université Paris Sud, en collaboration avec le CETD et le service d’anesthésie du CHU de Bicêtre.

Nous étions alors prêts pour la création d’un Centre de formation et de Soins intégratifs : l’IFPPC (Institut Français des Pratiques PsychoCorporelles), Centre CAMKeys.


Ce que l’expérience en centre anti-douleur m’a appris sur l’importance d’une démarche intégrative


La question de ce que peut être le moteur du changement en thérapie m’accompagne depuis que je pratique mon métier de psychologue.

Quel que soit le modèle d’intervention, il m’a toujours paru essentiel pour accompagner le changement du patient de ne pas chercher à le faire entrer dans quelque modèle théorique, mais d’avoir à s’adapter à sa situation présente et d’inventer pour chacun une procédure qui lui permettrait d’avancer.

Le thérapeute est quelqu’un qui possède un trousseau de clés, mais c’est le patient qui se servira de la bonne clé au bon moment.

C’est l’expérience du travail en centre anti-douleur, qui m’a fait prendre conscience de l’importance de considérer un patient dans tous ses liens avec le monde, avec les autres, avec lui-même. La douleur ne modifie en effet pas seulement la relation de la personne souffrante à son propre corps mais aussi aux autres et au monde qui l’entoure.

Et si nous nous penchons sur la définition de l'International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur y est décrite comme : "une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles ou décrites en des termes évoquant de telles lésions".

Il est illusoire d’aborder un patient douloureux dans une perspective de séparation corps-esprit.

La complexité de la douleur justifie le « réflexe pluridisciplinaire » de sa prise en charge. La douleur est multidimensionnelle et « filtrée » par les émotions, le savoir et la mémoire du sujet. La clinique nous montre que plus on a peur, plus on a mal et que l’anticipation de la douleur en accroît l’intensité.

De ces premiers constats a germé l’idée d’un centre qui aborderait le patient dans sa globalité, avec une réflexion et une pratique clinique réellement pluri et transdisciplinaire, faisant appel à différentes pratiques psychocorporelles, en sortant ainsi de toute idée de séparation corps-esprit.


La rencontre avec l’hypnose, pratique hautement intégrative.


C’est aussi en travaillant en centre anti-douleur tout d’abord pour les enfants puis pour les adultes que je me suis intéressée à l’hypnose, qui a changé ma pratique mais aussi ma vision de la thérapie.

C’est parce que l’hypnose impose notre présence dans la relation thérapeutique sans jamais nous autoriser à la figer par la pensée, que cette pratique m’a intéressée. L’hypnose ne peut prétendre être ni une théorie, ni même une méthode, elle nous permet ainsi de sortir de tout modèle théorique, de tout dogme.

La pratique de l’hypnose m’a amenée à cheminer dans la compréhension générale de ce processus du changement : l’importance de sortir de cette causalité linéaire, de la recherche de la cause et de l’effet, sortir de ce clivage pour aborder tout à la fois l’émotionnel et le sensoriel.

L’hypnose en montrant l’importance du corps et du sensoriel dans le processus de changement m’a ouverte à l’étude d’autres pratiques psycho corporelles venant du corps et du sensoriel comme la méditation, le Qi Gong, le yoga, les massages.

Ces pratiques permettent au patient d’accéder à une attitude, à une position qui favorisent un échange avec son environnement, qui permettent à chacun de ses sens d’accueillir la richesse et la complexité de la réalité. Cette autre façon de percevoir facilite la prise en compte de tous nos liens avec le monde.

François Roustang, philosophe et hypnothérapeute, nous dit ainsi : « Je me contente de replonger le symptôme dans la totalité de l’être, sans vouloir lui donner un sens particulier, sans vouloir l’interpréter. Je lui suggère de ne pas tenir compte de son symptôme précisément parce que le symptôme ne devient lui-même que parce qu’il est isolé. Replongez-le dans la totalité de votre vie, il disparaîtra…


La création de l’Association Thérapie d’Ici et d’Ailleurs s’inscrit dans une démarche pleinement intégrative.

 
Je ne sais pas au fond si c’est parce que je me suis intéressée à l’hypnose que j’ai eu envie d’explorer ces diverses médecines traditionnelles ou si c’est parce que depuis plusieurs années, je suis animée par l’exploration de tous les aspects non conventionnels du soin que je me suis intéressée à l’hypnose. Quoi qu’il en soit, c’est en explorant sur le terrain dans d’autres systèmes de soins, depuis 17 ans, des médecines traditionnelles, populaires, dans diverses cultures, que cette réflexion sur le soin s’est construite.

Tout d’abord je me suis intéressée à des pratiques qui ont pour point commun avec l’hypnose de passer par la transe, par différentes expressions de la transe, parfois très expressives ou des moments de transe plus tranquilles.

Cette recherche m’a amenée et m’amène toujours à rencontrer des soignants, qui ont pour point commun d’utiliser la transe à un moment ou à un autre, pendant la formation ou pendant les soins, bien sûr des hypnothérapeutes et aussi des soignants pratiquant des médecines traditionnelles de différentes cultures.

Cela m’a amené à travailler en Afrique auprès de tradipraticiens et notamment auprès de guérisseurs vaudous dans le golfe du Bénin, dans la Steppe en Sibérie, auprès de chamans bouriates dans la région d’Irkoutsk et du lac Baïkal, et j’ai eu la chance de pouvoir poursuivre cette exploration du chamanisme auprès d’autres chamanes venus d’Amazonie, ou d’Amérique du Nord initiés au rite indien Navajo et Hurons. Ce voyage m’a même emmené dans des contrées aussi lointaines que celle du Jura Suisse où j’ai pu aborder les médecines populaires de nos campagnes européennes et ce notamment auprès de barreurs de feux.

Ces expériences m’ont poussée à poursuivre l’exploration dans différentes régions en Inde, où j’ai pu assister également aux pratiques de médecine traditionnelle indienne ayurvédique et tibétaine au sein d’hôpitaux réservés à ces pratiques, dans la région du Karnataka, du Gujarat, de l’Himachal Pradesh, du Ladakh. Cela m’a permis de découvrir le fonctionnement de systèmes de soin intégratif présentant une vision globale de l’être humain.

Ma démarche, ma méthode pour explorer ces pratiques est la suivante :

• Dans un premier temps j’observe, j’assiste aux soins pour découvrir comment se déroulent ces consultations, les soins, sur quelles représentations du corps, du monde, de la santé, de la maladie reposent le diagnostic et le soin, quel type de relation thérapeutique se noue entre le soignant et le patient. 
• Puis j’interviewe les soignants et les patients pour avoir directement leur explication, leur représentation du soin de la maladie, leur conception du monde.
• En filmant tout cela le plus systématiquement possible, avec une équipe de tournage professionnelle la plupart du temps.
• Filmer me permet de travailler à partir des images du documentaire avec des spécialistes occidentaux de ces cultures, anthropologues, ethnologues, mais aussi médecins, psychologues et des spécialistes issus du pays lui-même, et de croiser les regards.
• J’explore donc ces pratiques par l’observation et aussi par la participation. J’expérimente moi-même ces différentes pratiques, en vivant l’expérience de la consultation, du soin ou d’un rituel.

Quelle que soit la culture, j’ai choisi des patients qui partagent une même expérience, celle d’une pathologie qui se chronicise, celle d’une douleur qui s’installe, pour laquelle après avoir consulté la médecine moderne, scientifique, ils se sont tournés vers la médecine traditionnelle.

Pour qui que ce soit et quelle que soit la culture cette expérience d’une chronicisation d’une pathologie, d’une douleur a toujours pour point commun de couper celui qui souffre d’une relation équilibrée au monde et à soi-même. La douleur ne modifie pas seulement la relation de l’individu à son propre corps mais aussi aux autres et au monde qui l’entoure.

Si on observe un individu qui a mal, on peut voir qu’il est concentré sur sa douleur, se replie sur lui-même, ce qui le fait sortir du mouvement habituel de la vie en réduisant son monde à la douleur et à elle seule.

À partir de cette expérience commune de fermeture sur soi-même qu’engendre une pathologie chronique, une douleur, le premier constat qui s’est imposé est qu’il existe dans le monde une variété d’itinéraires thérapeutiques alors possibles et qui peuvent se révéler efficaces pour les patients.

Cela m’a montré d’abord la créativité, l’imagination de chaque culture à penser le soin, mais aussi au-delà de cette variété à se poser la question qui a servi de fils conducteur à cette recherche et ensuite à la création du centre IFPPC la question de la nature de ce qui soigne vraiment, ce qui est au cœur du soin, ce qui relie ses différentes pratiques lorsqu’elles sont efficaces.

Après la réalisation d’un ensemble de reportage pour France 5 sur le sujet, d’un livre collectif « Changer par la thérapie » aux éditions Dunod, l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs a été créée permettant ainsi la création d’un groupe de réflexion et un comité scientifique international.


L’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs et ses objectifs


Rassembler des expériences de praticiens du monde entier.
Apporter aux professionnels de la santé en France et à l’étranger une information et une réflexion sur la variété des pratiques thérapeutiques dans le monde.
Elaborer une réflexion sur le processus de changement pendant les soins ou une thérapie, dégager différents ingrédients du changement de l’ensemble des pratiques, et mettre en évidence leur lien sans dénier leurs différences.
Réflexion menée par des psychologues, médecins, infirmiers, anthropologues, neuroscientifiques, etc.
Favoriser les échanges entre spécialistes d’horizons (scientifiques et culturels) différents, afin de permettre un regard réflexif sur nos analyses et nos pratiques ;
Développer des recherches et des projets entre praticiens de différents pays, favoriser la complémentarité entre médecines traditionnelles, pratiques psychocorporelles et science.
Le travail effectué depuis au sein de ce laboratoire d’idées a renforcé ma conviction de l’intérêt d’approche globale du soin et de l’importance de la prévention et donc du coaching en santé intégrative, le health care.

J’ai alors pris contact avec divers autres praticiens qui ont développé une approche et vision intégrative du soin aux Etats Unis, en Russie, en Israël…où s’associent pratiques psychocorporelles et médecines traditionnelles afin de poursuivre ce brainstorming culturel, de développer les fondements du centre et de penser les futurs projets.

Notre laboratoire d’idée, ce think tank intégratif, dont l’une des concrétisations est l’IFPPC, se développe à travers la création d’un réseau ville/hôpital et des connections à d’autres spécialistes qui travaillent en réseau, médecins homéopathes, phytothérapeutes, chiropracteurs, ainsi que les voyages d’études qui permettent un vrai travail en commun avec des soignants venant d’horizons différents.


La création de DIUs et DUs au sein de l’Université Paris Sud au CHU du Kremlin-Bicêtre


La création au sein de l’université Paris Sud du DU des Pratiques Psycho Corporelles, qui a évolué vers un DIU des Pratiques Psycho Corporelles et de Santé Intégrative (conjointement avec l’Université de la Réunion), et aussi du DU Hypnose et Anesthésie et du DU Gestion du Stress amènent à enrichir notre réflexion par le cadre universitaire.

Cet apport de nouvelles expériences de soignants et de professionnels de la santé nourrit aussi le réseau ville/hôpital pour une meilleure connaissance des soignants et un meilleur suivi des patients.

Extrait du livre « Soigner par les Pratiques PsychoCorporelles, Pour la Santé Intégrative » d’Isabelle CELESTIN-LHOPITEAU


"La création de l’IFPPC, son expérience et son expertise, conforte l’intérêt de l’intégrativité, ainsi que celle d’un laboratoire d’idées interculturel et interdisciplinaire qui permet de créer une institution vivante qui peut s’adapter s’adapter aux défis des maladies chroniques et d’un mode de vie stressant.
C’est la concrétisation d’une réflexion qui, en sortant des techniques, revient à l’être, à un travail thérapeutique d’être à être."
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